Interview de Julien Delagrandanne auteur du livre « Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants »

Je suis heureux de vous présenter une interview de Julien Delagrandanne auteur du livre dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler, à savoir, « Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants« .

J’ai eu l’occasion de lire ses deux ouvrages, le premier : Construisez et gérez votre patrimoine avec succès – Guide pour s’enrichir lentement…mais sûrement ! m’avait agréablement surpris, un livre généraliste et très abordable. Le second, dont on parle ici, m’a littéralement conquis. Mon plaisir est grand à vous présenter l’interview de Julien que je remercie encore pour le temps que cela lui a consacré.

Place à l’interview :

Bonjour Julien,

– Pourquoi avoir voulu, suite à ton ouvrage sur la gestion de patrimoine, écrire un livre sur la Bourse ?

D’abord, parce que j’avais découvert le fait qu’écrire est une activité faisant partie de ces si agréables « expériences optimales », où l’on se retrouve face à un défi clair qui nécessite de se concentrer et de monopoliser nos aptitudes au point qu’on ne voit pas le temps passer, tout en bénéficiant d’une rétroaction immédiate (ici les pages écrites, l’avancement du livre, la satisfaction d’être arrivé au but recherché lorsque j’ai relu le 1er exemplaire imprimé). Même si je suis évidemment content que le livre se vende assez bien, ma récompense première était donc avant tout intrinsèque (le plaisir certain pris lors de son écriture, le partage de connaissances, les échanges avec les lecteurs et le sentiment du devoir accompli que ceux-ci ont pu générer…) plutôt qu’extrinsèque.

Ensuite, parce que comme on se trouve toujours quelques lacunes et que l’on veut constamment s’améliorer, j’avais envie de faire mieux que pour mon premier ouvrage. Et au final, je suis effectivement beaucoup plus satisfait/ »fier » de mon travail sur ce second  livre, qui est plus pointu, plus spécialisé, bref que je trouve plus abouti que le précédent. Peut-être est-ce parce que j’avais une année de « sagesse » en plus lorsque je l’ai écris !?  😉

Enfin, parce que quitte à faire quelque chose de plus spécialisé, le domaine de la Bourse me paraissait naturel : même si j’ai touché occasionnellement  à d’autres domaines (l’immobilier par exemple), c’est celui sur lequel j’ai plus d’expérience et pensais donc pouvoir apporter le plus de valeur ajoutée aux lecteurs. De plus, c’est une classe d’actifs qui me paraissait avoir certains atouts dans le contexte actuel (d’autant que le CAC était plutôt 20% plus bas qu’aujourd’hui au moment où je l’ai écrit). 

– Quels sont les points forts de cet ouvrage ?

De mon point de vue d’auteur, je pense que son principal point fort est son caractère synthétique, se concentrant sur des concepts clés tout en évitant l’écueil de tomber dans de trop grandes généralités. Il existe en effet des livres spécialisées sur chacun des styles présentées dans l’ouvrage (même si certains des meilleurs ne sont malheureusement pas toujours disponibles en version francophone), mais peu voire aucun n’attaque l’investissement boursier sous l’angle d’un panorama de l’ensemble des styles potentiellement adoptables et de leur pertinence. Je pense par ailleurs avoir prêté une attention particulière à son caractère pédagogique en y glissant nombre d’exemples pour satisfaire les lecteurs qui ont besoin de ces illustrations pour bien appréhender et retenir les concepts expliqués. C’était d’ailleurs une des petites lacunes que j’avais identifiée après coup dans Construisez & Gérez votre patrimoine avec succès, qui manquait sûrement de quelques exemples supplémentaires. 

Du point de vue des retours de lecteurs que j’ai pu avoir jusque là, son atout serait  la « personnification » que peut faire le lecteur en se reconnaissant au fil du livre à travers les différents styles (S’auto-avouer que l’on a pratiqué à un moment donné tel style perdant, puis successivement chercher avec une sorte de « suspense » quel style gagnant va nous convenir, pour finir par avoir le sentiment d’avoir progressé et mis de l’ordre dans son esprit en refermant le livre…).

– Dans quelle catégorie te situes-tu « Style gagnant » ou « style intremédiaire » ?

Mon portefeuille est basé sur les deux styles gagnants, avec 70% orienté value et 30% orienté GRAP (Growth At a Reasonable Price). Comme expliqué dans le livre, il est rare qu’un portefeuille soit équipondéré entre les 2 principaux styles gagnants, et chaque personnalité implique une préférence relative pour l’un d’entre eux. La mienne me fait donc pencher plutôt vers le style value. Néanmoins, pour me sentir totalement serein, j’ai besoin d’avoir en complément un petit tiers de valeurs dont je sais que les entreprises sous-jacentes sont extraordinaires (que j’essaie d’acquérir quand une occasion de prix raisonnable se présente, pour les conserver ensuite très longtemps voire à vie).

L’orientation vers les styles gagnants est naturelle pour moi, car je suis un passionné, prêt à passer un certain temps dans la démarche. J’aime étudier la valorisation des entreprises, leurs avantages concurrentiels, et analyser si leur stratégie est pertinente, c’est-à-dire là pour capitaliser sur ces avantages et servir des buts efficients. Ou si au contraire cette stratégie vise trop à servir l’ego des dirigeants : folie des grandeurs par diversification destructrice de valeur, mimétisme (faire quelque chose simplement parce que le concurrent/voisin le fait) etc…

Il n’en reste pas moins qu’un style intermédiaire reste intéressant et efficace pour qui veut y consacrer moins de temps.

– Es-tu plutôt « actif » ou « passif » quant à ta manière de passer des ordres ?

Je ne passe pas des ordres toutes les semaines si c’est la question. Même si ça nous démange parfois d’agir, en bourse trop d’activité nuit à la performanceQuand on a des idées et qu’on étudie les dossiers correspondants, il y a en fait plus de choses à éliminer que de choses à acheter. A partir d’un certain montant de portefeuille, cette relative inactivité devient d’ailleurs une précieuse alliée. Ainsi, lorsqu’après avoir éliminé 10 idées, il en vient une sur laquelle les dés nous semblent cette fois vraiment pipés en notre faveur, on peut alors y consacrer un montant important, puisque l’argent à investir n’a pas été dilapidé sur des idées « moyennes »…

En revanche, j’analyse au moins une entreprise en moyenne par semaine. La partie plaisante d’une activité efficace en bourse  n’est pas de faire de multiples trades et d’avoir le frisson de l’adrénaline, comme l’imaginaire collectif le présente trop souvent. La partie plaisante, et c’est sur celle là qu’on peut me décrire comme « actif », c’est de découvrir des inefficiences de marché, ou d’étudier des entreprises et de les analyser. 

– La partie qui traite du « style intermédiaire » est particulièrement intéressante car très abordable. Elle permettra à de jeunes investisseurs de se lancer et d’acquérir une culture financière, était-ce ton objectif ?

Quand on écrit un livre de « connaissances », l’inconvénient est que l’on ne présélectionne pas son public ex-ante. On peut se retrouver aussi bien en face d’un lecteur quasi-débutant que d’un ayant déjà une certaine expérience, ou encore d’un lecteur qui ne souhaite lire qu’un seul livre sur le sujet que d’un qui est prêt à s’investir beaucoup pour se perfectionner. Il est alors difficile de satisfaire pleinement ce panorama hétéroclite.

Pour Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants, le cœur de cible est ici formé par des investisseurs qui ont déjà commencé à investir en bourse, sont intéressés par le processus et souhaitent passer une étape supplémentaire dans leur formation. La partie sur les styles gagnants peut leur servir de déclic, en leur ouvrant de nouvelles perspectives et en leur faisant découvrir de nouveaux concepts, et ainsi leur permettre de franchir une nouvelle marche.

Ensuite, pour ceux qui sont les plus avancés et afin qu’ils n’aient pas trop l’impression d’une « redite »,  la partie sur les styles gagnants et la fin du livre fournissent une synthèse, une comparaison avantages/inconvénients entre les styles gagnants, et des outils de mise en œuvre.

Reste ceux plus « débutants », pour qui la découverte des styles gagnants sera utile pour leur réflexion, mais qui se sentiront trop limités en temps ou en confiance pour les mettre en œuvre dans l’immédiat. Afin d’éviter qu’ils se sentent frustrés, la partie sur les styles intermédiaires est faite pour eux en leur montrant une façon simple de se mettre le pied à l’étrier tout en évitant les erreurs majeures.

– Quelles sont les livres, les personnes qui t’ont inspiré ?

Parmi les investisseurs, Benjamin Graham, Warren Buffet, Charlie Munger, Seth Klarman ou Peter Lynch peuvent être vus comme mes maîtres à penser, et j’essaie (modestement) de m’inspirer de leurs méthodes.

Dans une citation extraite du rapport 2012 de Berkshire Hathaway*, Warren Buffett lui même nous livre son top 3 des meilleurs livres de tous les temps : Security Analysis de Benjamin Graham (disponible en anglais uniquement), L’investisseur intelligent de B.Graham également, et Actions ordinaires & Profits extraordinaires de P.Fisher.

Je suis assez d’accord avec lui 😉 … Et pour me distinguer, je vais donc en rajouter deux autres pour faire un top 5 : The Five rules for Successful Stock Investing de Pat Dorsey (disponible en anglais uniquement), et Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse de Peter Lynch.

On voit que malheureusement deux des cinq cités ne sont disponibles qu’en langue anglaise, ce qui est gênant pour les non-anglophones.  C’est d’ailleurs un des intérêts de Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants qui présente, de façon certes plus synthétique, des concepts clés évoqués dans de tels ouvrages.

* »Phil Fisher put it wonderfully 54 years ago in Chapter 7 of his Common Stocks and Uncommon Profits, a book that ranks behind only The Intelligent Investor and the 1940 edition of Security Analysis in the all-time-best list for the serious investor »)

– Quel serait ton conseil pour un jeune investisseur qui souhaite ouvrir un PEA ou un Compte titre ?

D’une part, de prendre le temps de se former avant de commencer. Ou alors de commencer à agir qu’avec des sommes modestes et de les augmenter progressivement au fil de sa formation et de ses lectures. Ensuite, de ne jamais arrêter de se former tout au long de sa vie d’investisseur, il y aura toujours quelque chose à apprendre !

D’autre part, de ne jamais oublier qu’il investit dans des entreprises, et donc qu’il ne joue pas au loto en essayant de deviner dans quel sens va aller le graphique le mois prochain.

– Sans avoir à donner de conseil, as-tu une valeur ou plusieurs dans ton portefeuille que tu penses garder toute ta vie ?

Les valeurs des 30% de la partie GARP de mon portefeuille dont je parlais précédemment sont plutôt destinées à être conservées très longtemps. Sauf survalorisation extrême, j’envisage d’ailleurs de garder à vie des valeurs extraordinaires à forts avantages concurrentiels que j’ai en portefeuille, comme L’Oréal, Coca-Cola, ou Berkshire Hathaway

A noter toutefois que L’Oréal est par contre aujourd’hui très chèrement valorisée. Tout en n’étant pas bradées, les deux autres ont déjà une valorisation plus raisonnable.

J’espère que Julien répond également à vos interrogations, personnellement, j’ai été comblé par son ouvrage et j’ai appris énormément. Le point fort de ce livre est d’apporter une stratégie « gagnante » pour chacun d’entre nous. Il serait dommage pour vous de passer à côté.

Le livre de Julien connait un véritable succès, qui est bien mérité.

C’est avec plaisir que je vous invites à le lire*.

Bonne lecture et n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à poser d’autres questions.

A bientôt,

Arnaud

* Merci à vous de passer par le lien « amazon » que je propose, je perçois, par ce biais, une commission de 5 % sur le livre. Cette commission me permet de toujours investir dans le blog.

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8 réflexions au sujet de “Interview de Julien Delagrandanne auteur du livre « Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants »”

  1. L’oréal et coca cola sont effectivement des valeurs sûrs, si Warren buffet t’a inspiré alors c’est qu’on est dans le bon!!

    Répondre
  2. Merci Valérie pour ton commentaire.

    Quelques réponses. En fait, Berkshire Hathaway possède 8% de Coca Cola. Et ces titres représentent 18% du portefeuille de titres cotés de Berkshire Hathaway.

    Mais voilà, l’investissement en titres cotés n’est qu’une « petite » partie de l’activité de Berkshire Hathaway (c’est ce que décrit le site Datorama dont c’est l’objet): l’actovité de portefeuille ne représente moins de 25% de la contribution aux résultats de Bershire Hathaway (le reste étant des activités opérationnelles par exemple les activités d’assurances, des activités régulés etc…)

    Par corollaire, on voit que Berkshire ne possède que 8% des titres totaux de Coca Cola alors que la capitalisation de Bershire est plus élevée que celle de Coca Cola.

    Alors double oui un peu, mais plutot à hauteur de 4-5% (18*25%) que de 18% !

    Répondre
  3. Bonjour,

    Simple question, mais qui me semble avoir son importance, lorsque l’on écrit un livre sur la Bourse.

    Quelle est votre perf. annuelle ? Vous n’en parlez dans l’article et dans le livre, je ne sais pas, car je ne l’ai pas lu !

    Alexandre

    Répondre
  4. Bonjour Alexandre,

    A partir du moment où je n’ai pas publié en direct mes prises de positions à l’instant t sur le passé, vous donner mes performances n’a pas vraiment de valeur, car elles sont invérifiables… Beaucoup de celles qu’on trouve sur le web, qui se contentent de donner un relévé de performance après coup sans que TOUTES les positions aient été précisées à l’instant même où elles étaient prises ont d’ailleurs une fiabilité douteuse. Seuls quelques bloggeurs ont un track record indiscutable dans leur méthode de publication de leurs performances à mon sens.

    Je calcule mon TRI annuel depuis mi-2010 (avant je connais mes plus-values en € mais n’ayant pas tracé les entrées et flux de sortie précisément, un calcul de TRI précis est impossible). La période étant de ces 3 ans plutôt haussière, il n’a pas vraiment d’intérêt à être comparé avec celui du voisin (Si le voisin a 17% alors que moi 15% de TRI sur 3 ans, ça ne veut pas du tout dire que le schéma sera le même dans 10 ans après avoir traversé des baisses etc…). Il faut par ailleurs associer une performance à un montant de portefeuille, car les performances ne sont pas directement comparables : on ne fait pas forcément les mêmes choix de gestion avec un PF de 2000 €, un de 10 000 €, un de 100 000 €, ou un 10 000 000 €…

    Après dites vous bien que si je n’avais pas ressenti que j’en étais arrivé à un certain stade de légitimité (taille du portefeuille en € géré, nombre d’années depuis lesquelles j’ai commencé à investir en bourse >10, gestion qui a tiré bénéfice du krach 2009 plutôt que l’inverse etc…), je me serai abstenu d’écrire un livre à vocation pédagogique sur le sujet. D’ailleurs, je ne l’ai pas écrit il y a 10 ans…

    Enfin, ne vendant pas une méthode de trading « confidentielle » facturé plusieurs milliers d’euros… mais seulement un livre à vocation pédagogique pour faire partager non seulement mon expérience orientée analyse fondamentale mais avant tout une synthèse des méthodes utilisées par les meilleurs investisseurs utilisant cette approche dont je m’inspire dans ma gestion (et la performance de Warren Buffet ou de Peter Lynch est quant à elle vérifiable …et ce sur des périodes très longues), je ne pense donc pas que c’était le centre du débat.

    Répondre
  5. @ Alexandre

    Je te conseille vivement de lire le livre de Julien, tu y trouveras de l’expérience, de l’humilité et de la sincérité.
    Pour la partie pédagogique, il propose un éventail large qui s’adressera au novice « intéressé » jusqu’au plus expérimenté.
    Je l’ai lu et relu pour mieux m’intéresser à certains passages et je suis convaincu que quand on utilise un style gagnant ou intermédiaire (décrit dans le livre) la réussite ne peut qu’être qu’au rendez-vous.

    A bientôt

    Répondre
  6. @Arnaud & Julien,

    Très heureux d’avoir acheté le bouquin par votre blog.
    Informé par devenir.rentier.fr, blog de référence, mais c’est votre interview qui déclenche l’achat.

    Pour situer le contexte, je viens de rejoindre un club d’investisseurs de retraités sur orbite depuis 7 ans et coaché par 2 pointures, Perf autour de 20%.

    Donc en formation, c’est le premier livre que j’achète sur la bourse. Le titre fait mouche. Je salive d’avance.

    @bientôt.

    Répondre
  7. Lu en 2 jours,
    Très clair, simple à comprendre.

    Etant débutant, j’ai calé au contenu mathématique des chapitres D1 et D2, L’autre ticket d’entrée au style gagnant est la maîtrise comptable.

    Vais tacher d’orienter le club vers le style daubasses et son mantra:
    « Les prix bon marché ne nous intéressent pas, seuls les prix cassés
    nous intéressent ».

    Par ailleurs vous êtes une sorte de messager subtil entre
    Investisseur heureux, avenir plus riche et daubasses.

    Répondre

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